L’AI Act : Un tremplin pour une régulation efficace à l’échelle mondiale
Ces dernières semaines, l’actualité de l’intelligence artificielle (IA) en Europe a été particulièrement riche. D’une part, de nouvelles orientations concernant l’AI Act ont été émises, représentant le cadre réglementaire le plus complet à ce jour pour l’IA. D’autre part, le AI Action Summit, organisé par la France et co-présidé par l’Inde, a également attiré l’attention.
Avec près de 100 pays et plus de 1 000 représentants du secteur privé et de la société civile présents, la discussion a été intense et riche en contenu.
Les enjeux de la régulation
Le sommet a eu lieu juste après la publication des dernières orientations concernant l’AI Act, et une partie de l’événement a été dédiée aux questions de régulation. Dans le cadre de cette rencontre, l’initiative EU InvestAI de 200 milliards d’euros (210 milliards de dollars) a été présentée. Cette initiative vise à financer quatre gigafactories d’IA pour former de grands modèles d’IA, dans le but de favoriser le développement ouvert et collaboratif des modèles avancés en Europe.
Une question centrale a émergé lors de ce sommet : l’innovation peut-elle primer sur la régulation ? Certains avancent que négliger les risques liés à l’IA ne favorisera pas l’innovation ; les défis européens actuels semblent davantage liés à la fragmentation du marché et à un dynamisme limité en matière de capital-risque.
Un cadre de régulation en quatre niveaux
L’AI Act adopte un système de régulation basé sur quatre niveaux de risque. Le premier niveau, qualifié d’« risque inacceptable », comprend des systèmes d’IA considérés comme une menace claire pour la sécurité sociétale.
Parmi les pratiques interdites, on retrouve :
- Manipulation et tromperie nuisibles basées sur l’IA
- Exploitation des vulnérabilités par l’IA
- Notation sociale
- Évaluation ou prévision des risques criminels individuels
- Collecte non ciblée d’informations sur Internet ou matériel de vidéosurveillance pour créer ou étendre des bases de données de reconnaissance faciale
- Reconnaissance des émotions dans les lieux de travail et les établissements d’enseignement
- Catégorisation biométrique pour déduire certaines caractéristiques protégées
- Identification biométrique à distance en temps réel à des fins d’application de la loi dans des lieux accessibles au public
Les dispositions concernant ce niveau sont déjà entrées en vigueur depuis le 2 février 2025, interdisant ces systèmes.
Le niveau suivant, qualifié de « risque élevé », inclut des cas d’utilisation de l’IA qui peuvent poser des risques sérieux pour la santé, la sécurité ou les droits fondamentaux, notamment les menaces pesant sur les infrastructures critiques comme le transport.
Bien que ces systèmes ne soient pas interdits, ils devront respecter des obligations légales avant d’être mis sur le marché, incluant une évaluation adéquate des risques et une documentation détaillée.
Obligations de transparence
Les systèmes d’IA à risque limité auront également des obligations spécifiques en matière de transparence. Cela signifie que les développeurs et déployeurs devront s’assurer que les utilisateurs finaux soient informés qu’ils interagissent avec de l’IA, notamment dans des cas pratiques tels que les chatbots et les deepfakes.
Les systèmes présentant un risque minimal ou nul ne seront soumis à aucune obligation en vertu de l’AI Act, bien que les entreprises puissent choisir d’adopter volontairement des codes de conduite supplémentaires.
Sanctions et impacts globaux
Les entreprises qui ne respectent pas les règles risquent des amendes pouvant atteindre 7 % du chiffre d’affaires annuel mondial en cas de violations des applications d’IA interdites, jusqu’à 3 % pour d’autres violations et jusqu’à 1,5 % pour la fourniture d’informations incorrectes.
Durant le sommet, l’impact potentiel de ces nouvelles orientations a été débattu, avec une contribution des États-Unis principalement axée sur la critique de la régulation européenne et un avertissement contre la coopération avec la Chine. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont refusé de signer la déclaration du sommet sur une IA « inclusive », ce qui a douché les espoirs d’une approche unifiée pour réguler cette technologie.
La déclaration a été soutenue par 60 signataires, y compris l’Australie, le Canada, la Chine, la France, l’Inde et le Japon. Les États-Unis ont déclaré qu’ils préfèrent privilégier des politiques de croissance pour l’IA au détriment de la sécurité, tandis que la France, en tant qu’hôte du sommet, a affirmé qu’il était nécessaire d’établir des règles favorisant une adoption et une croissance plus rapides.
En conclusion, l’AI Act représente une avancée significative dans la régulation de l’intelligence artificielle au niveau mondial, offrant un cadre qui favorise la stabilité du marché et encourage l’adoption responsable de l’IA.