Renommer l’Institut de Sécurité de l’IA des États-Unis : Une question de priorités
Le récent changement de nom de l’Institut de Sécurité de l’IA des États-Unis (AISI) en Centre pour les Normes et l’Innovation de l’IA (CAISI) marque un tournant significatif dans les priorités nationales concernant le développement de l’IA. Ce changement, bien que semblant trivial, révèle une réorientation des valeurs qui prévalent dans la gouvernance de l’intelligence artificielle.
Un changement de vision
La gouvernance de l’IA n’est jamais neutre. La manière dont nous décrivons les institutions révèle notre compréhension de leur fonction. La transformation de l’AISI en CAISI indique un glissement entre deux visions concurrentes : l’une qui met l’accent sur la mitigation des risques à long terme et la responsabilité publique, et l’autre qui privilégie l’innovation, la rapidité et la compétitivité mondiale.
L’AISI, qui dépendait du National Institute of Standards and Technology (NIST), était fondé sur deux prémisses clés : d’abord que « l’IA bénéfique dépend de la sécurité de l’IA », ensuite que « la sécurité de l’IA dépend de la science ». À sa création, l’AISI avait pour missions principales de développer des métriques standardisées pour l’IA de pointe, de coordonner avec des partenaires mondiaux sur des stratégies de mitigation des risques, et d’avancer dans la science des tests et validations pour la sécurité.
La nouvelle mission de CAISI
La mission révisée de CAISI reflète un changement subtil mais déterminé vers l’accélérationnisme. Comme l’a déclaré le secrétaire Lutnick :
« Pendant trop longtemps, la censure et les réglementations ont été utilisées sous le prétexte de la sécurité nationale. Les innovateurs ne seront plus limités par ces normes. »
Alors que l’AISI représentait les valeurs des défenseurs de la sécurité, le CAISI semble s’aligner avec des acteurs tels qu’OpenAI et Andreessen Horowitz, qui considèrent une réglementation excessive comme une menace existentielle à la compétitivité des États-Unis.
Un appel à la pluralité
Il est préoccupant que cette transition ignore également les voix de la société civile. Une analyse des 10 068 commentaires publics soumis en soutien à la préparation du Plan d’Action sur l’IA révèle que, bien que 41 % des contributions des grandes entreprises soutiennent l’accélérationnisme, le public privilégie majoritairement la justice, la responsabilité, et la safety. Près de 94 % des répondants de la société civile se concentrent sur l’intérêt public, plaidant pour des mécanismes de redressement et une supervision démocratique, et non simplement sur l’innovation.
Pour que le CAISI puisse remplir son mandat au service de la nation, il doit aller au-delà d’un seul point de vue. Il doit être une plateforme pour le pluralisme : un lieu où la sécurité nationale, la sécurité publique et l’innovation sont des partenaires égaux dans la gouvernance.
Un avenir incertain
Les revendications actuelles en faveur d’une réglementation légère masquent un agenda visant à n’aucune réglementation, reformulé comme une défense contre une prétendue intrusion gouvernementale prématurée. Le véritable défi n’est pas de trouver un juste équilibre entre trop ou trop peu de réglementation. Il s’agit de concevoir des modèles d oversight adaptatifs.
Des alternatives telles que les bac à sable pour l’IA, des modèles de gouvernance dynamiques, ou des organisations réglementaires multipartites sont déjà sur la table. Si le CAISI est bien positionné, il pourrait servir de nœud crucial pour établir un cadre de gouvernance de l’IA réactif.
Les mots ont de l’importance. Les institutions aussi. Le changement de nom du CAISI n’est pas qu’une question d’apparence : il codifie l’intention de gouverner. Il est clair que l’administration recherche la rapidité, des approbations simplifiées, et un minimum de freins réglementaires. Si nous laissons le passage de la sécurité aux normes de sécurité sans examen, nous ne faisons pas que favoriser l’innovation, mais nous accélérons également au-delà de la responsabilité.